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Alterner sein et biberon : y a-t-il un risque de confusion ?

Dernière mise à jour : il y a 6 jours

La confusion sein-tétine et l'inquiétude qu'elle génère - Crédit photo Renaud Caillé
La confusion sein-tétine et l'inquiétude qu'elle génère - Crédit photo Renaud Caillé

Attention sujet polémique ! Selon une opinion répandue, exposer un bébé allaité à un biberon ou une tétine/sucette pourrait compromettre le succès de l'allaitement.

Il n'y a pas suffisamment de preuves à l'appui des affirmations selon lesquelles les biberons occasionnels font dérailler l'allaitement.


Sommaire



Que disent les études scientifiques ?


Un certain nombre d'études font état de corrélations entre l'utilisation précoce du biberon et une durée d'allaitement plus courte. Mais ces études ne nous disent pas que l'utilisation du biberon est La Cause de la réduction de la durée de l'allaitement. D'autres éléments pourraient expliquer ce lien.

Par exemple, certains parents qui recouraient fréquemment au biberon avaient déjà l'intention de sevrer leur bébé tôt.


D'ailleurs, plusieurs auteurs qui se sont penchés sur la question n'ont pas réussi à démontrer dans leurs études que l'alimentation au biberon limitée est préjudiciable.

Un exemple ? Dans une étude, les chercheurs ont réparti les nouveau-nés en deux groupes :

  • le premier bénéficiait d’un allaitement exclusif pendant les 5 premiers jours du post-partum ;

  • le second bénéficiait de soins incluant un biberon occasionnel. 

Résultat ? Après 6 mois de suivi, les chercheurs n’ont constaté aucune différence entre les deux groupes, que ce soit en termes de fréquence ou de durée de l’allaitement (Schubiger et al 1997).


Ainsi, il est juste de dire que nous pourrions bénéficier d'un plus grand nombre d'études de ce type. Mais dans l'état actuel des connaissances, nous ne pouvons pas conclure que les mères vont compromettre le succès de l'allaitement parce qu'elles-mêmes ou un tiers nourrit leur bébé de temps en temps avec un biberon de leur lait.


Selon l'état de nos connaissances actuelles, les conditions jugées favorables pour soutenir l'allaitement incluent de commencer à allaiter peu de temps après l'accouchement et dans l'ensemble, de maintenir un rythme de tétées fréquentes en veillant à ce qu'elles soient efficaces. La clé reste une lactation optimale. Dans ce contexte, on préfère éviter de donner un biberon de préparation pour nourrisson d'entrée de jeu.



Le deuxième problème que j'ai avec le conseil de ne jamais nourrir son bébé au biberon est qu'il est unilatéral. Il suppose que le seul avantage à prendre en compte dans notre décision est le succès de l'allaitement à long terme ! Et qu'un allaitement n'aurait de valeur que s'il est prolongé.

Votre bien être de mère allaitante compte

De mon point de vue, la santé et le bien-être d'une mère sont d'une grande importance. Se préoccuper de la poursuite de l'allaitement du bébé devrait tenir compte du bien être des mères également.


Les bébés ont moins de chances de s'épanouir et sont plus susceptibles de développer des troubles anxieux lorsque leur mère vit un état de stress permanent, lequel peut être entretenu par l'épuisement, la culpabilité et une recherche de perfection aussi. Ne pourrait-on pas laisser de côté les injonctions et les menaces sur la façon de prendre soin de son bébé allaité ? Il n'existe pas une "bonne manière" d'allaiter mais plusieurs déclinaisons qui permettent à chacune de mener son bout de chemin.



Enfin, il me semble qu'une grande partie du débat sur l'allaitement maternel exclusif prend racine dans la mythologie de la race humaine.

Les gens supposent que l'allaitement maternel exclusif est la condition "naturelle" de notre espèce. C'est ainsi que les chasseurs-cueilleurs nourrissaient leur progéniture. Mais peut-on affirmer que les mères allaitaient toutes exclusivement leur bébé au sein ?

N'entretenons-nous pas par-là un fantasme ?


La recherche anthropologique démontre que les peuples traditionnels, non industrialisés, ne pratiquaient pas systématiquement l'allaitement exclusif pendant les 6 premiers mois. Dès les premiers jours après l'accouchement, des mères se faisaient aider pour alimenter leur enfant. Dans certains groupes, cela implique que d'autres femmes allaitantes donnent leur lait pour la cause.



Qu'est-ce que la confusion sein tétine ?


Le premier obstacle majeur auquel sont confrontées la plupart des nouvelles mères est le bon démarrage de l'allaitement. L'un des obstacles à l'allaitement dont la plupart des nouvelles mères sont averties est que l'introduction de tétines artificielles (sucettes ou biberons) détruirait les chances de succès - un phénomène connu sous le nom de "confusion sein-tétine".


La théorie qui sous-tend la confusion sein-tétine est que la différence de mécanisme entre la succion d'un sein et celle d'une tétine artificielle peut rendre difficile la reprise de l'allaitement par le nourrisson après l'exposition à un biberon ou à une tétine. On affirme en outre que le fait qu'un bébé ait tété une tétine entraîne invariablement un mode de succion désorganisé. De là naît une peur bien légitime chez la jeune maman qui cherche à faire de son mieux pour réussir son allaitement. Elle s'empêche alors d'utiliser la moindre sucette.


Comment cela pourrait-il fonctionner ?


D'un point de vue plausible, la confusion sein-tétine n'a pas beaucoup de sens. Les nouveau-nés ne survivraient pas longtemps sans une intervention importante de la part des personnes qui s'occupent d'eux, mais ils sont en fait assez doués pour ce qu'ils peuvent faire. Ils ne voient pas grand-chose, ne contrôlent pas leurs mouvements et ne communiquent pas très bien leurs besoins spécifiques.


Mais les bébés en bonne santé savent comment téter. Nombre d'entre eux démarrent avec une capacité de succion encore immature et c'est à force d'entrainement (rappelons qu'un bébé tète facilement une douzaine de fois par 24h au cours de ses premières semaines de vie), qu'il améliore sa technique de succion.


Téter relève, en fait, d'une action réflexe qu'ils ne contrôlent pas. La succion est un moyen naturel de calmer un bébé qui pleure. Le réflexe de succion est présent dès la 12 semaine d'aménorrhée.


Malgré des preuves limitées et incohérentes, la notion de confusion sein-tétine est largement répandue et constitue une grande source de stress pour les nouvelles mamans qui allaitent. Examinons les recherches menées sur le sujet, en distinguant les tétines et l'alimentation au biberon.


Pour les professionnels de santé


Académie Américaine de Pédiatrie (AAP) vs. Organisation Mondiale de la Santé (OMS)


La controverse sur l'utilisation de la tétine (ou sucette, appelez-la comme vous voulez) chez les bébés allaités découle en grande partie des recommandations contradictoires de deux organisations qui influencent les soins aux nourrissons et aux enfants. L'une de l'American Academy of Pediatrics (AAP), en 2005, suggère de donner une tétine aux nourrissons pour les protéger contre le syndrome de mort subite du nourrisson, et l'autre de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), en 2009, affirme qu'il ne faut jamais donner de tétine artificielle aux nourrissons allaités (Dix conditions pour le succès de l'allaitement maternel, OMS, 2009).


C'est à partir de ces recommandations de l'OMS qu'ont été créés les principes des hôpitaux "amis des bébés", dont l'un est qu'aucune tétine ne doit être donnée aux nourrissons allaités.


L’OMS en 2018 a recommandé d’attirer l’attention des mères sur l’emploi des tétines qui peut interférer avec la capacité à reconnaître les besoins de l’enfant. On a même pensé que la prise de tétine pourrait diminuer la stimulation exercée sur le sein et contribuer ainsi à réduire la sécrétion de lait et aboutir à un sevrage précoce.En fait, les essais prospectifs contrôlés n’ont pas montré d’association négative entre l’usage précoce de la tétine et l’interruption de l’allaitement. Pour les prématurés, le recours à la tétine a même amélioré leur autonomie alimentaire et réduit leur durée de l’hospitalisation. Ce n'est donc pas un sujet tout noir ou tout blanc.


Que nous apprend la recherche ?


Un examen de toutes les recherches effectuées sur le sujet de l'allaitement et de l'utilisation de la tétine a été réalisé en 2012.


L'analyse de toutes les données disponibles n'a montré aucun lien entre l'utilisation de la tétine et la diminution du taux d'allaitement : "L'utilisation de la tétine chez les nourrissons nés à terme et en bonne santé, commencée dès la naissance ou après l'établissement de la lactation, n'a pas affecté de manière significative la prévalence ou la durée de l'allaitement exclusif et partiel jusqu'à l'âge de quatre mois."


L'utilisation de la tétine était cependant associée à une baisse significative de la durée de l'allaitement exclusif et de l'allaitement en général. En revanche, la durée de l'allaitement au cours des trois premiers mois du post-partum n'a pas été affectée par l'utilisation de la tétine.


Alternance sein et biberon, c'est ok
Alternance sein et biberon, c'est ok

Cette constatation a amené les chercheurs à se demander si l'utilisation de celle-ci était à l'origine de la diminution de l'allaitement ou si les mères qui ne prévoient pas d'allaiter à long terme sont simplement plus susceptibles d'utiliser des tétines.


En outre, comme la différence dans les taux d'allaitement n'est apparue que plus tard, les chercheurs n'ont pas pu l'attribuer à la confusion sein-tétine : "Ces résultats ne confirment pas que les problèmes d'attachement au sein ou la confusion sein-tétine constituent le mécanisme biologique par lequel l'utilisation de la sucette affecte la durée de l'allaitement... [nous] avons trouvé peu de preuves de problèmes attribuables à la technique de succion."



N'oubliez pas de nourrir le bébé !


On a remarqué que de nombreuses mères qui introduisent la tétine ont tendance à allaiter leur bébé moins souvent. La conséquence d'une moindre fréquence de tétées est un calibrage médiocre de la sécrétion lactée qui prédispose à des difficultés d'allaitement.


Au début, certains bébés sont très endormis et se calment en suçant une tétine. Parfois, cela les satisfait tellement qu'ils se contentent de sucer pendant toute la durée de la tétée. Ils attendent un écoulement de lait franc pour activer la succion. On croit souvent à tort qu'un bébé ne se laissera pas "mourir de faim" et que si l'appétit le gagne, il va naturellement réclamer.


Et comme notre société valorise le repos et l'acquisition rapide d'un rythme de sommeil reposant pour toute la famille, on a tendance à laisser le bébé dormir parfois plus qu'il n'en a réellement besoin. Par mesure de précaution, si la tétine est introduite, il est bon de simplement se rappeler d'offrir le sein au bébé toutes les 2 ou 3 heures, qu'il ait l'air d'en vouloir ou non.



Les tétines sous contrôle


Un vaste essai contrôlé randomisé publié en 2013 dans la revue Pediatrics a examiné plus de 2 000 nouveau-nés avant et après que les tétines aient été littéralement mises sous clé dans la nurserie d'un hôpital du Texas. Conséquence inattendue, le pourcentage de nourrissons allaités a diminué lorsque les tétines ont été bannies de l'hôpital. Il s'agit d'une étude particulièrement intéressante, car elle a abouti à l'inverse de ce que l'on attendait.


Réduire la distribution de tétine pendant l'hospitalisation du nouveau-né, sans restreindre par ailleurs l'accès au lait artificiel, a été associé à une diminution de l'allaitement exclusif, à une augmentation de la supplémentation en lait artificiel et à une augmentation de l'alimentation exclusive au lait artificiel. On a conclu que réduire l'accès aux tétines pendant la période néonatale pouvait en définitive augmenter la probabilité que les mères allaitantes aient recours à une préparation pour nourrissons. Etonnant, non ?



Qu'en est-il des infections de l'oreille (otites) ?


Autre préoccupation : la crainte que les enfants à qui l'on donne une tétine ne soient davantage susceptibles de développer des otites. En réalité, il semble que le risque soit multiplié par 1 ou 2 chez les nourrissons et les enfants plus âgés, mais généralement pas au cours des six premiers mois de la vie, lorsque le risque de MIN (Mort Inattendue du Nourrisson) est le plus élevé. Alors, laissez votre nouveau-né téter.


Et les biberons alors ?


Les résultats des études portant sur l'utilisation des biberons ne sont pas aussi clairs. Un essai contrôlé randomisé réalisé en 2004 n'a montré aucune différence entre l'allaitement et l'utilisation de la tétine chez les prématurés. Elle a toutefois montré un avantage possible à donner des suppléments de préparation pour nourrissons à la tasse plutôt qu'au biberon.


Une autre étude réalisée en 2008 a montré que les taux d'allaitement exclusif étaient plus élevés chez les nourrissons nourris à la tasse plutôt qu'au biberon. Cet effet n'a été observé qu'au moment de la sortie de l'hôpital ; à trois mois, les groupes s'étaient équilibrés.


Les problèmes rencontrés lors de l'introduction d'un biberon alors que l'on tente d'instaurer l'allaitement sont souvent attribués à la confusion sein-tétine, mais il est plus probable que la " préférence pour le débit " soit la question à prendre le plus en considération.


L'idéal serait d'attendre environ un mois (si possible) avant d'introduire le biberon, ce qui donne le temps à la maman et au bébé d'apprendre à se connaître à s'accorder et la lactation de s'installer. Une fois la production de lait établie, il semble plus aisé de faire la transition du sein au biberon et inversement.


"arrêt du DAL car contraignant et il n'y a pas de confusion"
"arrêt du DAL car contraignant et il n'y a pas de confusion"

On suggère souvent aux parents de commencer par utiliser une tétine de biberon à débit lent, pour se rapprocher de celui du sein. Ils peuvent également essayer de donner le biberon en tenant le bébé droit, le biberon à l'horizontale, et en tournant le biberon vers le bas toutes les quelques succions pour permettre au bébé de faire des pauses.


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En somme, on peut considérer qu'il est très ou trop exigeant voire parfois même absurde d'imaginer que vous êtes censée tout gérer vous-même. Sollicitez vos partenaires, des parents et des amis pour vous aider. Tirez votre lait et laissez quelqu'un d'autre nourrir votre bébé pendant que vous essayez de faire une sieste. Profitez de toutes les occasions qui se présentent à vous pour vous reposer.


Eloignons-nous des dogmes, des peurs créées de toutes pièce. Comme le rappelle si souvent Barbara Wilson Clay, consultante en lactation IBCLC et autrice du Breasteeding atlas, "la confusion sein-tétine est essentiellement une préférence de débit".



Références

Schubiger, G., Schwarz, U., Tönz, O. et al. UNICEF/WHO baby-friendly hospital initiative: does the use of bottles and pacifiers in the neonatal nursery prevent successful breastfeeding?. Eur J Pediatr 156, 874–877 (1997). https://doi.org/10.1007/s004310050734


Données scientifiques relatives aux dix conditions pour le succès de l’allaitement, OMS Précision qui est souvent occultée : les 10 conditions pour le succès de l’allaitement maternel de l’OMS concernent le démarrage de l’allaitement et le contexte du séjour en maternité.

Tolppola O et coll. : Pacifier use and breastfeeding in term and preterm newborns-a systematic review and meta-analysis. Eur J Pediatr., 2022;181:3421-3428. doi: 10.1007/s00431-022-04559-9

Doan, T. et al. Breast-feeding increases sleep duration of new parents. The Journal of Perinatal & Neonatal Nursing 2007 ; 21 (3) : 200-206.



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