La confusion sein-tétine est peut-être un sujet qui vous inquiète. On entend souvent dire que si on présente un biberon à un nourrisson allaité, il pourrait se détourner définitivement du sein. Qu'en est-il vraiment ? C'est ce que nous allons voir ici.
Les études scientifiques n’ont pas réussi à démontrer que limiter le recours au biberon est préjudiciable (Gray-Donald et al 1985 ; Schubiger et al 1997).
Un exemple ? Dans une étude, les chercheurs ont réparti les nouveau-nés en deux groupes :
le premier bénéficiait d’un allaitement exclusif pendant les 5 premiers jours du post-partum ;
le second bénéficiait de soins incluant un biberon occasionnel.
Résultat ? Après 6 mois de suivi, les chercheurs n’ont constaté aucune différence entre les deux groupes, que ce soit en termes de fréquence ou de durée de l’allaitement (Schubiger et al 1997).
Les mères ne compromettent donc pas le succès de l’allaitement parce que quelqu’un d’autre nourrit leur bébé de temps en temps. En tout cas, pas si elles commencent à allaiter peu de temps après l’accouchement et si, dans l’ensemble, elles maintiennent un rythme de tétées fréquentes et par fréquente, on entend un rythme qui dépasse souvent 10 tétées par 24h.
D’autres études apportent plus de précisions.
En 2004, un essai a montré un avantage possible à donner du lait en complément à un bébé avec une tasse plutôt qu’un biberon. En 2008, une autre étude a montré que le taux d’allaitement exclusif était plus élevé chez les nourrissons nourris à la tasse plutôt qu’au biberon. Mais cet effet n’a été observé qu’au moment de la sortie de l’hôpital : à trois mois, les groupes s’étaient équilibrés.
Une piste de réflexion : à propos du biberon, on attribue souvent les problèmes d’allaitement à la confusion entre le sein et la tétine. Or, il est probable que la “préférence pour le débit” soit l’enjeu le plus important. Si possible, attendez donc environ un mois avant d’introduire le biberon : ça vous permet d’établir la production de lait et de faciliter la transition du sein au biberon… et vice-versa.
Par ailleurs, utilisez une tétine à débit lent et à base large afin que votre bébé ait besoin d’ouvrir grand la bouche pour prendre le biberon, comme il le fait avec le sein. Vous pouvez aussi essayer de donner le biberon à un rythme soutenu – en tenant votre bébé debout, biberon à l’horizontale et en tournant le biberon vers le bas toutes les quelques tétées pour que le bébé ait une succion vide. Cette méthode imite plus fidèlement le débit de l’allaitement.
Et puis, entre nous, j’ai un souci avec le conseil de ne jamais nourrir son bébé au biberon. Concrètement, il implique que le seul point à prendre en compte dans la décision est le succès de l’allaitement à long terme, sans se soucier de vous la maman, ni de votre bien être ! Parfois, on a simplement besoin de souffler.
Et les mamans dans tout ça ?
On a trop tendance à l’oublier : la santé et le bien-être de la mère sont d’une importance capitale. Les bébés ont moins de chances de s’épanouir et sont plus susceptibles de rencontrer des problèmes quand leur mère est stressée.
Aussi, il me semble qu’une grande partie du débat sur l’allaitement maternel exclusif prend racine dans une mythologie fantasmée de la race humaine. Les gens supposent que l’allaitement maternel exclusif est la condition “naturelle” de notre espèce, depuis les chasseurs-cueilleurs jusqu’aux sociétés préindustrielles et agraires.
La recherche, anthropologique cette fois, démontre pourtant que les peuples traditionnels, non industrialisés, ne pratiquent généralement pas l’allaitement exclusif pendant les 6 premiers mois. Chez les peuples modernes, pendant les premiers jours du post-partum, d’autres femmes, qui allaitent, peuvent participer à l’allaitement du nouveau-né (Tronick et al 1987).
Des aides expérimentées apportent également leur contribution en s’occupant des enfants plus âgés de la mère. Enfin, les familles reçoivent des subventions alimentaires des autres membres du groupe. Les parents ne peuvent pas se permettre de s’occuper de leurs bébés et d’élever leurs enfants sans cette aide extérieure !
Dans d’autres sociétés traditionnelles, de l’Asie du Sud-Est (Jambunathan 1995) à la Chine (Raven et al 2007), en passant par le Maroc (Westermark 1926), c’est aussi courant que les mères passent les 30 à 40 jours après l’accouchement en isolement post-partum. Pendant cette période, elles sont dispensées (voire carrément interdites) d’effectuer la plupart des tâches, à l’exception de l’allaitement. Des amis ou des parents (généralement la mère ou la belle-mère de la mère) les aident à faire le ménage et à préparer les repas. La réclusion post-partum n’est pas nécessairement exempte de stress. Les cultures peuvent imposer des rituels et des tabous que les mères peuvent trouver contraignants (Leung et al 2005). Mais l’aide que les mères reçoivent rend probablement l’allaitement à la demande moins difficile.
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L’allaitement peut être un bonheur indescriptible, mais aussi un défi. En conséquence, toute aide est bienvenue ! Recrutez des partenaires, des parents et des amis pour vous aider. Tirez votre lait et laissez quelqu’un d’autre nourrir votre bébé pendant que vous essayez de faire la sieste. Profitez de toutes les occasions qui se présentent à vous pour vous reposer !
Références
Données scientifiques relatives aux dix conditions pour le succès de l’allaitement, OMS
Précision qui est souvent occultée : les 10 conditions pour le succès de l’allaitement maternel de l’OMS concernent le démarrage de l’allaitement et le contexte du séjour en maternité.
Tolppola O et coll. : Pacifier use and breastfeeding in term and preterm newborns-a systematic review and meta-analysis. Eur J Pediatr., 2022;181:3421-3428. doi: 10.1007/s00431-022-04559-9
Doan, T. et al. Breast-feeding increases sleep duration of new parents. The Journal of Perinatal & Neonatal Nursing 2007 ; 21 (3) : 200-206.
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