"Et le papa, dans tout ça ?" – Comment (mieux) impliquer les pères dans l’allaitement et la parentalité
- caroleherve
- 5 mai
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Allaitement rime trop souvent, dans l’imaginaire collectif, avec affaire de mère. Pourtant, il existe mille façons d’impliquer les pères, sans pour autant qu'ils donnent le sein eux-mêmes… et tout commence bien avant la naissance.
Sommaire
La grossesse : un moment clé pour impliquer le co-parent
La plupart des papas modernes disent vouloir être présents. Mais entre les injonctions culturelles (“un bon père, c’est celui qui ramène l’argent”) et l’invisibilisation dans le parcours médical, ils se retrouvent parfois sur la touche dès les premières semaines.
Et si on les invitait à poser leurs propres questions en consultation prénatale ?
Sachez messieurs que vous êtes plus que bienvenus en séances de préparation à l’allaitement.
Parce qu’un père bien informé est un allié précieux pour la mère, surtout si des douleurs surviennent, des difficultés d’allaitement, des crevasses ou des engorgements. Les études sont unanimes. Le soutien du conjoint peut faire toute la différence. Ajoutons que de nombreuses difficultés d'allaitement peuvent être résolues soit par anticipation, pragmatisme et bon sens et c'est souvent l'atout des papas qui sont présents, attentionnés, à l'écoute et savent poser les bonnes questions. Dès la toute première heure, ils veillent sur leur famille.
Plusieurs études révèlent en effet à quel point l’information joue un rôle déterminant dans leur implication. Les sujets qu’ils jugent les plus importants à connaître autour de l’allaitement sont très révélateurs : comment travailler avec leur partenaire pour surmonter les difficultés d’allaitement, comment s’impliquer concrètement auprès d’un bébé allaité, quels types de soutien offrir à la mère, à quoi s’attendre durant la toute première semaine, et bien sûr les bénéfices de l’allaitement.
Après la naissance : partager les tâches… pour de vrai
Changer les couches, faire faire un rot, porter, bercer le bébé, sélectionner les intervenants qui prendront soin de la famille, prendre les rendez-vous et être présent, poser ses questions, gérer les aînés : chaque geste, chaque attention compte pour soutenir la mère, surtout en période de fatigue plus importante ou de doutes autour de la lactation.
Une mère me confiait récemment : “Gabriel affirmait qu’il ne pouvait pas m'aider parce qu'il n'allaitait pas. Il me disait se sentir exclu et même carrément jaloux. Et quand il a pris conscience que moi, je n'avais même plus le temps de me doucher à un horaire décent, il a pris la mesure de son rôle. Il a commencé à porter notre fils en écharpe et ça a non seulement soulagé mon dos, mais il a pu tisser un lien extra avec Naëlie. ” Aussi, si vous êtes papa et que vous avez le sentiment de ne pas trouver votre place dans l'allaitement, je vous invite à prendre la question sous un autre angle : "Comment puis-je prendre soin de ma compagne qui prend soin de notre bébé ?"
Encourager les pères à se positionner dès le congé paternité
Trop de pères renoncent à leurs droits par pression professionnelle ou peur du regard des collègues. Et pourtant, ce temps est fondamental pour construire un lien solide avec leur bébé… et devenir un véritable soutien de l’allaitement, dès les premières tétées.
Anticiper, prendre pleinement son congé paternité, l'adapter aux besoins de la famille plutôt qu'aux contraintes professionnelles (si possible) c’est bien plus qu’une simple formalité administrative. C’est un moyen de s’impliquer concrètement dans les premiers jours de vie de son enfant. En étant présent à la maison, un père peut non seulement découvrir son bébé, mais aussi soutenir activement la mère dans son choix d’allaiter. Et s'il ne peut pas l'être, il peut aussi organiser la présence d'un tiers bienveillant. Cela passe par de petites attentions du quotidien : installer un espace confortable pour l’allaitement, quelques coussins et une pile de langes propres, un verre d’eau, un thermos de la boisson chaude préférée de leur compagne, gérer les tâches ménagères ou encore masser ses cervicales en fin de journée.
Ce soutien logistique et émotionnel est précieux, car les débuts de l’allaitement peuvent être éprouvants. La présence rassurante du père aide la mère à se sentir comprise, encouragée et moins seule face aux éventuelles difficultés. De plus, en s’impliquant dès le départ, le père pose les bases d’une co-parentalité équilibrée, où chacun trouve naturellement sa place.
Re-penser l’allaitement comme une affaire d’équipe
Ce n’est pas “Ma compagne allaite, et moi j’attends que ça passe ou je suis mis à l'écart”. C’est “nous avons choisi qu’elle allaite, et je fais en sorte que ce soit possible et je la soutiens comme je peux”. Cela peut vouloir dire :
Apprendre à reconnaître les signes d’un bon transfert de lait
Surveiller les signaux de douleur ou de mastite
Gérer la logistique pendant les tétées
Prendre le bébé dans ses bras après la tétée, le tenir à la verticale quelques minutes
Prendre le relais pour que la mère puisse dormir (vraiment)
Protéger la bulle familiale face aux visites intempestives.
Une astuce : décider d'un code entre vous quand vous sentez que des personnes vous envahissent. Le code consiste à poser une question : "Tu te souviens de ce que le médecin a dit ?" Et le partenaire de comprendre immédiatement et répondre en conséquence, selon la situation du moment : "Le médecin a dit :
pas de visite avant 2 semaines
on se lave les mains quand on rentre dans le foyer
le bébé reste dans les bras de maman et nulle part ailleurs (prudence avec les virus saisonniers)
les visites ne dépassent pas 45 minutes"
Vous l'avez compris, vous complétez la phrase selon les besoins de la jeune maman. C'est ça aussi la soutenir, se montrer à son écoute.
Donner aux pères l’espace pour s’exprimer
Beaucoup de papas ont peur. De mal faire, de ne pas trouver leur place, de ne pas être utiles. Mais quand on leur donne la parole, leurs réponses sont souvent puissantes :
“J’avais peur que Joseph ne m’aime pas autant.”
“Je ne savais pas quoi faire quand Sybille pleurait. J’aurais aimé qu’on m’explique qu’il n’y a pas toujours de solution immédiate.”
“Je me suis senti invisible à la maternité.”
Les consultations d'allaitement sont un de ces espaces d’écoute, de parole qui leur permettre de devenir des piliers, pas des spectateurs.
Et parce que le co-parent peut être une femme, je vous invite à rester à l'écoute. Un prochain article sera dédié à ce sujet.
Références
Koksal I, Acikgoz A, Cakirli M. The Effect of a Father's Support on Breastfeeding: A Systematic Review. Breastfeed Med. 2022 Sep;17(9):711-722. doi: 10.1089/bfm.2022.0058.
Gebremariam, K.T., Wynter, K., Zheng, M. et al. Breastfeeding – a survey of fathers’ support needs and preferred sources of information. Int Breastfeed J 19, 50 (2024). https://doi.org/10.1186/s13006-024-00654-9