L’allaitement est-il une cause de dépression du post partum ?
- caroleherve
- il y a 4 jours
- 6 min de lecture

Crédit photo : Renaud Caillé
On entend souvent dire que l’allaitement pourrait être une cause de dépression postpartum. Mais qu’en est-il vraiment ? Les recherches de Kathleen Kendall-Tackett et d’autres spécialistes montrent une réalité bien différente : l’allaitement n’est pas une cause de dépression, il peut même jouer un rôle protecteur. Alors, comment reconnaître une vraie dépression postpartum ? Quels sont les facteurs de risque ? Peut-on prendre un traitement sans sevrer ? On décrypte.
Sommaire
Comprendre la dépression postpartum
La dépression postpartum est une pathologie fréquente qui survient après l’accouchement. On estime qu’entre 10 et 20 % des mères en souffrent (Slomian et al., 2019). Cette dépression n’est pas à confondre avec le baby blues, un état transitoire qui touche la majorité des femmes quelques jours après la naissance, caractérisé par des pleurs, de l’irritabilité et une hypersensibilité. Le baby blues disparaît généralement en une ou deux semaines.
La dépression postpartum, en revanche, persiste sur une durée plus longue (au moins deux semaines) et entraîne un impact profond sur la vie quotidienne. Elle peut altérer votre capacité à prendre soin de vous-même et de votre enfant, affecter vos relations, et parfois conduire à des idées suicidaires. C’est une pathologie qui mérite d’être reconnue, dépistée et prise en charge rapidement.
Le rôle central du stress et de l’inflammation
La psychologue de la santé Kathleen Kendall-Tackett (2007) a proposé un modèle pour comprendre la dépression postpartum. Selon elle, le stress et l’inflammation jouent un rôle majeur. Les changements hormonaux et immunitaires de la grossesse et de l’accouchement rendent les nouvelles mères particulièrement sensibles aux stresseurs.
Quand le corps est confronté à des douleurs, à une privation de sommeil ou à un isolement social, l’inflammation augmente. Cette inflammation chronique favorise l’apparition de symptômes dépressifs.
L’intérêt de ce modèle est qu’il permet de comprendre pourquoi l’allaitement peut agir comme un facteur protecteur : en favorisant la sécrétion d’ocytocine, en modulant la réponse au stress et en atténuant l’inflammation, il aide les mères à mieux résister à la dépression (Kendall-Tackett, 2007).

L’allaitement : facteur de risque ou de protection ?
On accuse parfois l’allaitement d’être un déclencheur de dépression postpartum. Pourtant, les données scientifiques vont dans l’autre sens. Le CDC (2023) rappelle que la plupart des études n’ont pas trouvé de lien causal entre allaitement et dépression. Au contraire, de nombreuses recherches suggèrent que l’allaitement diminue les symptômes dépressifs (Pope & Mazmanian, 2016 ; Figueiredo & Conde, 2011).

Pourquoi cette confusion ? Parce que les femmes qui souffrent déjà de symptômes dépressifs sont souvent celles qui rencontrent le plus de difficultés à initier ou maintenir l’allaitement. Ainsi, on observe une corrélation entre allaitement écourté et dépression, mais ce n’est pas l’allaitement qui est en cause.
⚠️ Ce qui peut être un facteur aggravant, ce sont les difficultés d’allaitement non résolues : douleurs, crevasses, problèmes de lactation, manque de soutien. Dans ce cas, c’est le manque d’accompagnement qui pose problème, pas l’allaitement en lui-même.

Comment reconnaître une dépression du postpartum ?
La dépression du postpartum se distingue par des symptômes persistants, qui durent plus de deux semaines et perturbent le fonctionnement quotidien (O’Hara & McCabe, 2013) :
Humeur triste, pleurs fréquents
Perte d’intérêt ou de plaisir
Fatigue intense, perte d’énergie
Troubles du sommeil (indépendants des réveils liés à votre bébé)
Modifications de l’appétit
Sentiment de culpabilité ou de dévalorisation
Difficulté à penser, se concentrer, prendre des décisions
Détachement émotionnel vis-à-vis de votre bébé
Idées noires ou suicidaires dans les cas les plus graves
L'association Maman Blues a mis en ligne un outil pour s'auto-évaluer sur la dépression du post partum. ça vaut toujours le coup de faire le test.
Un diagnostic de dépression doit être établi par un professionnel de santé, qui pourra proposer une prise en charge adaptée. Reconnaître ces signes est essentiel pour agir à temps.

La dépression touche aussi les pères
La dépression périnatale ne se limite pas aux mères. Les pères peuvent également être concernés. Une méta-analyse de Paulson & Bazemore (2010) montre qu’environ 8 % des pères souffrent de dépression pendant la période périnatale. Les facteurs de risque sont proches : manque de soutien, stress financier, isolement, mais aussi l’impact de la dépression maternelle.
Reconnaître et accompagner la souffrance psychique des pères est crucial, car leur bien-être influence directement celui de la mère et de l’enfant.
Mais comment on en arrive là ?
Les études identifient plusieurs facteurs de risque de la dépression postpartum (Slomian et al., 2019) :
Antécédents de dépression ou d’anxiété
Stress ou trauma pendant la grossesse
Manque de soutien social ou familial
Précarité économique
Complications médicales ou obstétricales
Privation de sommeil prolongée
Difficultés d’allaitement non accompagnées
Ces facteurs ne sont pas isolés : ils s’additionnent et se renforcent, augmentant le risque global. D’où l’importance d’un accompagnement global des jeunes parents.
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Médicaments et compatibilité avec l’allaitement
Une idée répandue veut que pour soigner une dépression, il faille obligatoirement arrêter l’allaitement. C’est faux. Le protocole clinique #18 de l’Academy of Breastfeeding Medicine (2019) précise que plusieurs antidépresseurs sont compatibles avec l’allaitement, notamment la sertraline, la paroxétine et la nortriptyline.
Le risque de ne pas traiter la dépression est bien plus élevé que celui lié au passage minimal du médicament dans le lait maternel.
Les bases de données spécialisées comme LactMed (CDC) permettent de vérifier la compatibilité des molécules. En France, on peut également se référer au CRAT (Centre de Référence des Agents Tératogènes. En parallèle, des thérapies non médicamenteuses (Thérapies Cognitives Comportementalistes, thérapies de soutien, accompagnement périnatal) complètent efficacement la prise en charge.
Pourquoi le sevrage n’est pas LA solution
Arrêter brutalement l’allaitement “pour se soigner” est une fausse bonne idée. Cette décision peut avoir des conséquences négatives :
Physiques : engorgement, mastite, perturbations hormonales
Psychologiques : culpabilité, sentiment d’échec
Relationnelles : perte du lien ressenti avec le bébé
Surtout, le sevrage ne traite pas la cause réelle de la dépression. Le choix d’arrêter doit être réfléchi, pesé, accompagné, et non imposé par la peur ou les injonctions extérieures.
La Haute Autorité de Santé (HAS) rappelle d'ailleurs que peu de maladies ou de besoins thérapeutiques justifient un arrêt brutal de l’allaitement maternel.
A noter également que le sevrage entraîne également des bouleversements hormonaux et émotionnels.
Baisse de l’ocytocine : cette hormone liée au lien maternel et aux sensations de bien-être diminue, pouvant provoquer un sentiment de tristesse ou de perte, souvent comparé à un deuil.
Baisse de la prolactine : cette hormone joue aussi un rôle dans l’humeur ; sa diminution peut influencer le moral. Elle est également liée à la reprise possible des menstruations.
Certaines mères ressentent même un "Milk blues". Ce concept, encore récent et peu documenté, désigne des variations de l’humeur après le sevrage :
Une humeur dépressive passagère.
Un état dépressif plus durable dans certains cas. Ces changements émotionnels peuvent rappeler le baby blues, bien que peu d’études les aient explorés. Un sentiment de deuil peut apparaître, même lorsque le sevrage est choisi ou anticipé.
Votre check‑list pour préparer le sevrage
Vous vous sentez ambivalente, pour commencer, je vous propose un quiz
Et de poursuivre avec une check list
Évaluez votre motivation
Qui souhaite arrêter : vous, votre enfant, ou vous deux ensemble ?
S’agit‑il d’un besoin physique, émotionnel ou organisationnel ?
Ressentez‑vous une pression extérieure (entourage, société, retour au travail…) ?
Choisissez le bon moment
Votre enfant est‑il prêt à se passer de certaines tétées ?
Y a‑t‑il des événements stressants dans votre vie ? (maladie, déménagement…)
Vous sentez‑vous prête à vivre ce changement avec sérénité ?
Respectez votre rythme
Avancez doucement, un pas à la fois, pour plus de douceur.
Observez comment votre enfant réagit et adaptez‑vous à ses besoins.
Préservez des moments privilégiés avec lui autrement (câlins, rituels, temps rien qu’à vous).
Informez‑vous et cherchez du soutien
Consultez des sources fiables : je suis à votre disposition !
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Alors qu'est-ce qu'on retient ?
L’allaitement ne cause pas la dépression postpartum. Bien au contraire, il peut protéger la santé mentale maternelle, en réduisant le stress et en renforçant le lien mère-enfant.
Les vraies causes de la dépression postpartum sont multifactorielles : antécédents, stress, inflammation, isolement.
Il est possible de traiter la dépression sans arrêter l’allaitement. Le sevrage ne doit jamais être une solution imposée, mais un choix conscient et accompagné.
Parler, demander de l’aide, consulter : voilà les vrais leviers de la guérison.
Références
Kendall-Tackett K. (2007). A new paradigm for depression in new mothers: The central role of inflammation and how breastfeeding and anti-inflammatory treatments protect maternal mental health. International Breastfeeding Journal, 2:6.
Kendall-Tackett K., Cong Z., Hale T.W. (2013). Mother-infant sleep locations and nighttime feeding behavior. Clinical Lactation, 4(1): 9-15.
CDC (2023). Postpartum Depression and Breastfeeding.
Academy of Breastfeeding Medicine (2019). ABM Clinical Protocol #18 : Use of Antidepressants in Breastfeeding Mothers.
Slomian J., et al. (2019). Prevalence of maternal postpartum depression and associated risk factors: A systematic review. BMC Public Health, 19:835.
Pope C.J., Mazmanian D. (2016). Breastfeeding and postpartum depression. Depression Research and Treatment, 2016:4765310.
Figueiredo B., Conde A. (2011). Breastfeeding and depression in women: A systematic review. Journal of Affective Disorders, 132(1–2):1–8.
Paulson J.F., Bazemore S.D. (2010). Prenatal and postpartum depression in fathers and its association with maternal depression: A meta-analysis. JAMA, 303(19):1961–1969.
O’Hara M.W., McCabe J.E. (2013). Postpartum depression: Current status and future directions. Annual Review of Clinical Psychology, 9:379–407.











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