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Faut-il vraiment se fier aux grammes pris chaque jour pour juger la santé d’un bébé ?


Parfois le bébé refuse le sein sans que l'on comprenne pourquoi. Crédit photo Renaud Caillé
Parfois le bébé refuse le sein sans que l'on comprenne pourquoi. Crédit photo Renaud Caillé

Dès les tout premiers jours, la prise de poids du nourrisson devient un point de vigilance… et parfois source d’angoisse. À la maternité, il n’est pas rare d’entendre : « S’il n’a pas repris du poids, vous ne pourrez pas sortir. » Très vite, une pression s’installe : chaque pesée devient un moment de tension, certains allant jusqu’à compter les grammes pris par jour* pour décider si « tout va bien » ou non. Ce suivi, lorsqu’il se transforme en obsession, entretient un stress qui peut plomber le quotidien et entacher votre plaisir d’allaiter.


Pourtant, la prise de poids reste un indicateur essentiel de la santé et du développement du nourrisson. Et c’est bien là toute la difficulté pour les parents : comment trouver l’équilibre entre vigilance nécessaire et inquiétudes excessives ? Quels sont les repères vraiment fiables ? Quand faut-il consulter ? Et surtout, comment accompagner un bébé qui peine à grossir comme on l'attend de lui ?

Cet article fait le point sur la question, en s’appuyant sur des données solides et des chiffres clés, afin de vous re-donner des repères clairs et rassurants.


*une prise de poids de 30g par jour, ça ne veut rien dire

Sommaire


Comprendre les normes de croissance chez le nourrisson


Dès la naissance, les bébés suivent un rythme de croissance très rapide, bien qu’inégal. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), certaines étapes clés doivent être surveillées pour s’assurer que le développement pondéral est dans les normes :

  • Dans les 7 premiers jours, un nouveau-né perd normalement entre 5 et 10 % de son poids de naissance. Cette perte est physiologique, due à l’évacuation des liquides et au temps nécessaire pour que l’allaitement soit bien établi.

  • Dès la 2e semaine, le bébé commence à reprendre le poids perdu. En général, il retrouve son poids de naissance entre le 5e et le 10e jour.

  • Vers 4 mois, il double son poids de naissance.

  • Vers 12 mois, le poids est triplé chez la majorité des garçons, et d’ici 16 mois chez la plupart des filles.

  • En parallèle, la taille augmente d’environ 50 % au cours de la première année.

  • Le périmètre crânien, indicateur essentiel du développement neurologique, progresse en moyenne de 30 cm durant cette même période.


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Le poids de référence reste toujours le poids de naissance. C’est cette médiane de départ qui permet de juger si la croissance est régulière et suffisante. Observer seulement la stabilité relative sur un percentile sans tenir compte du point de départ peut masquer des ralentissements progressifs et retarder la mise en place d’actions correctives.



Pourquoi un bébé ne prend-il pas de poids ?

La prise de poids d’un bébé peut parfois sembler insuffisante, et c’est une source d’inquiétude légitime. On évoque souvent une mauvaise succion : c’est vrai, un bébé qui n’arrive pas à téter efficacement prélève moins de lait. On parle aussi beaucoup du frein de langue : son impact est aujourd’hui encore débattu et ne doit pas devenir une explication unique à toutes les difficultés. Plus fréquemment, un positionnement imparfait peut gêner la mise au sein. Certes, cela ne compromet pas toujours la croissance du bébé, mais cela peut entraîner inconfort et douleurs pour la mère (cervicales, poignets, tensions musculaires) qui viennent compliquer inutilement le quotidien.

Avant de se focaliser sur ces aspects techniques, il est essentiel de rappeler un fait clé : la lactation est conçue pour s’installer de façon robuste dans les 2 à 3 semaines suivant la naissance. Une fois en place, elle se maintient à un niveau stable jusqu’aux 6 mois du bébé, si elle est entretenue comme il se doit.

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Les données montrent que, chez des nourrissons exclusivement allaités et dont la croissance suit les courbes de l’OMS, les volumes de lait consommés varient beaucoup : entre 478 ml et 1 356 ml par jour, avec une moyenne autour de 798 ml. Les garçons en consomment en moyenne 831 ml, les filles 755 ml.

Pour atteindre ces volumes, le nombre de tétées est parfois élevé – jusqu’à 18 par 24 heures – ce qui est parfaitement normal et ne dure généralement pas. C’est en multipliant les tétées que le bébé obtient ce dont il a besoin et que la mère construit et entretient sa production. A mesure que le bébé grandit, il parvient à prélever davantage de lait à chaque fois et il va petit à petit réduire son nombre de tétées sur la journée sans qu'on ait grand chose à faire. C'est la fameuse notion d'allaitement "à la demande".


Croissance du bébé : pourquoi suivre sa courbe est essentiel


Lorsqu’un bébé ne reçoit pas assez de lait, il est naturel de chercher des explications. Et internet en a à revendre : difficultés de succion, frein de langue, stress maternel, fatigue, réactions à des allergènes… Certaines de ces causes existent, mais on tire souvent des conclusions hâtives.


On entend aussi que « le bébé a un sacré tempérament » et on le qualifie de B.A.B.I. (Bébé Aux Besoins Intenses). Bien sûr, cela peut être vrai, mais il est important de s’assurer d’abord que tout va bien sur le plan nutritionnel avant de tout attribuer au tempérament.


Parfois, l'explication est tristement simple : le bébé ne reçoit pas la quantité de lait dont il a besoin.

Cette question est le plus souvent reléguée au second plan, éludée, pour ne pas stresser et avec l'ambition sincère d'être bienveillant à l'égard. du projet d'allaitement. C'est seulement lorsque le bébé casse sa courbe que l'on réagit.

Pourtant, une courbe qui ralentit progressivement est un facteur tout aussi important, régulièrement négligé mais qu'il convient de prendre en compte, même si le bébé semble « rester dans son couloir » ou suivre sa trajectoire.


Un nouveau-né perd naturellement un peu de poids après la naissance, et cela fait partie du processus physiologique. Mais il ne faut pas se rassurer à tort simplement parce que le bébé suit une courbe située sur le percentile correspondant à son poids le plus bas à la naissance. En réalité, chaque bébé naît à un percentile précis, et l’objectif des premières semaines est qu’il retrouve rapidement ce percentile et le rattrape, même si la perte initiale a été importante ou si la reprise a été plus lente que prévu.

Cette récupération est essentielle : elle reflète non seulement que le bébé reçoit suffisamment de lait, mais elle influence également la qualité de la lactation à court, moyen et long terme. Un bébé qui reprend bien son poids témoigne d'une lactation plus stable et robuste, et les parents gagnent en sérénité et en confiance dans l’allaitement.


Sur quels paramètres s'appuie-t-on ?

Le poids de naissance reste toujours le point de référence, et c’est cette médiane qu’il faut suivre.

Pour savoir si le bébé reçoit assez de lait, on reporte son poids sur les courbes de croissance de l’OMS, un repère objectif qui permet de visualiser sa progression sans jugement ni pression. L’idéal est que le bébé reste proche de sa médiane de naissance et suive une trajectoire régulière au fil des semaines et des mois.


Il convient de tracer la courbe de poids du bébé pour pouvoir l'analyser
Il convient de tracer la courbe de poids du bébé pour pouvoir l'analyser

Les percentiles aident à comprendre cette trajectoire : par exemple, un bébé au 25ᵉ percentile pèse autant ou moins que 25 % des enfants de son âge, et plus que les 75 % restants. Ces repères servent à détecter rapidement si quelque chose dévie de la norme. Une baisse durable de plusieurs percentiles justifie une attention particulière et un suivi adapté.


Dans la plupart des cas, la solution consiste à stimuler régulièrement et efficacement la lactation, ce qui permet au bébé d’obtenir tout le lait dont il a besoin. Une fois cette base assurée, il n’y a plus lieu de s’inquiéter à tort des « pics de croissance » ou d’un « reflux interne », souvent évoqués mais rarement responsables d’un problème de poids.

Enfin, certaines causes plus rares peuvent affecter la capacité du bébé à absorber ou utiliser les nutriments : troubles digestifs sévères, reflux gastro-œsophagien important, malformations congénitales ou anomalies métaboliques. Ces situations restent heureusement exceptionnelles, mais un suivi pédiatrique régulier permet de les détecter rapidement et d’intervenir si nécessaire.



Comment reconnaître une prise de poids lente ?

Le tout premier signe qu’un bébé ne prend pas assez de poids se voit généralement sur la courbe de croissance : le poids n’évolue pas comme attendu. Pour le constater, il suffit de reporter régulièrement les mesures sur la courbe de l’OMS, ce qui permet de visualiser la trajectoire de croissance.

D’autres signes peuvent vous alerter :

  • Votre bébé est constamment, irritable, on peut à peine le poser, il a besoin de beaucoup d'efforts et de bercements pour s''abandonner dans le sommeil

  • Il dort beaucoup mais mouille moins de 6 couches mouillées par jour et ses selles sont peu fréquentes et peu abondantes.

  • Il a peu des selles moulées, sèches

  • Il refuse les tétées.


Concrètement, comment réagir ?


Parfois, le bébé tète, mais ne prélève pas le volume de lait nécessaire à sa croissance.


Certains signes peuvent vous alerter :

  • Votre bébé tète souvent mais boit peu : sa succion semble faible, irrégulière ou peu productive.

  • Le sein ne paraît pas drainé après la tétée : il reste tendu, lourd ou douloureux, signe d’un transfert de lait insuffisant.

  • La courbe de croissance stagne ou s’infléchit vers le bas.

  • Le nombre de tétées est très élevé, mais le poids ne suit pas : le bébé ne parvient pas à extraire ce dont il a besoin.


Dans ces situations, il est vivement recommandé de vous appuyer sur les stratégies d'une consultante en lactation IBCLC. Souvent, de simples ajustements permettent de relancer la croissance et améliorer significativement l’apport en lait.


Actions concrètes pour stimuler la lactation


Augmenter la fréquence des tétées. Proposez le sein toutes les 2 à 3 heures, y compris la nuit si nécessaire. La régularité est essentielle pour stimuler la production de lait.


  • Approchez votre bébé dès qu’il se signale ou dès que vous voulez le prendre dans vos bras.

  • Proposez le sein avant même qu’il manifeste une demande claire.

  • Surveillez le rythme des succions et de la déglutition : lorsque celui-ci ralentit, comprimer le sein pour augmenter le transfert de lait.

  • Si le bébé s’endort ou s’agite, changez de sein.

  • Répétez cette alternance 2 à 4 fois au cours de la tétée

  • Si le bébé n’est pas encore efficace, le tire-lait peut surstimuler votre lactation jusqu’à ce qu’il parvienne à téter correctement. Cela permet d’assurer que votre bébé reçoit tout le lait dont il a besoin, tout en renforçant votre production.


Notez qu'un bébé tète en moyenne environ 100 minutes par 24 heures en début d’allaitement pour permettre à la lactation de s’installer solidement. La stimulation régulière et efficace du sein est la clé pour :

  • Assurer que le bébé prélève tout le lait dont il a besoin.

  • Installer une lactation robuste et durable.

  • Favoriser un sommeil plus régulier et une meilleure qualité de vie pour le bébé et les parents.

  • Réduire l’épuisement maternel et les tensions liées à un allaitement difficile.



Quand la courbe de poids dévie, c’est toute la vie de famille qui vacille


À moyen terme, une prise de poids insuffisante n'a pas pour seule conséquence une courbe qui stagne : elle bouleverse profondément le quotidien de la famille. Le bébé, qui dormait relativement bien durant ses premières semaines, commence à se réveiller très fréquemment, à n’accepter de dormir que dans les bras, à faire peu de siestes et à téter sans relâche la nuit. Les parents finissent par le faire dormir sur eux car c'est le seul moyen de le faire dormir.


Les répercussions ne tardent pas à se faire sentir : épuisement maternel, risque de burn-out parental, tensions et conflits dans le couple, doutes et remises en question permanentes de l’allaitement.


Face aux difficultés, l’entourage ou certains professionnels formulent parfois des injonctions à « passer au mixte » avec des préparations pour nourrissons, ce qui ajoute encore à la culpabilité et au désarroi.


Or, au-delà de cette souffrance familiale, une prise de poids insuffisante et prolongée chez le nourrisson n’est pas à négliger. Elle peut entraîner des conséquences plus sérieuses :

  • Malnutrition chronique, avec un risque accru d’infections.

  • Retard de croissance staturo-pondérale : l’enfant reste plus petit et plus léger que ses pairs.

  • Sommeil altéré et non réparateur, qui entretient un cercle vicieux d’épuisement.

  • Troubles du développement psychomoteur ou cognitif, liés à des apports insuffisants.

  • Faible tonus musculaire et fatigue excessive.

  • Dans les cas extrêmes : atteintes cardiaques ou retards pubertaires à l’adolescence.


Un suivi pédiatrique régulier, associé à un accompagnement par une consultante en lactation IBCLC, est donc essentiel pour corriger rapidement une trajectoire de croissance déviante, restaurer un allaitement efficace et préserver la santé comme l’équilibre de toute la famille.


Consultez rapidement un professionnel de santé si :

  • Votre bébé n'a pas retrouvé son poids de naissance à 10 jours de vie

  • Votre bébé semble léthargique ou refuse de manger.

  • Son poids stagne ou diminue sur 2 pesées consécutives.

  • Vous avez le moindre doute sur son développement.

Il n’est jamais trop tôt pour agir : une intervention précoce évite souvent des complications ultérieures.


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Amélie a souscrit à mon accompagnement en ligne : "je découvre qu'être une maman allaitante, ça n'est pas qu'être dans le canapé à donner la tétée à un bébé qui ronchonne"
Amélie a souscrit à mon accompagnement en ligne : "je découvre qu'être une maman allaitante, ça n'est pas qu'être dans le canapé à donner la tétée à un bébé qui ronchonne"


Références

  • World Health Organization. (2006). WHO Child Growth Standards: Length/height-for-age, weight-for-age, weight-for-length, weight-for-height and body mass index-for-age. https://www.who.int/tools/child-growth-standards

  • Dewey, K.G., & Begum, K. (2011). Long-term consequences of stunting in early life. Maternal & Child Nutrition, 7(s3), 5–18. DOI

  • Victora, C.G., et al. (2008). Maternal and child undernutrition: consequences for adult health and human capital. The Lancet, 371(9609), 340–357.

  • Kent JC, Mitoulas LR, Cregan MD, et al. Volume and frequency of breastfeedings and fat content of breast milk throughout the day. Pediatrics. 2006 Mar;117(3):e387-95.

  • American Academy of Pediatrics. (2014). Failure to Thrive. Pediatrics in Review, 35(12), 554–565.





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