Je pense avoir un REF, mon bébé est agité au sein
- caroleherve
- 8 sept.
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 12 heures

Le réflexe d’éjection fort (REF ou overactive letdown en anglais) est souvent évoqué pour expliquer certaines difficultés d’allaitement. Mais ce diagnostic est parfois posé trop vite, sans analyse approfondie des causes réelles. Cet article vous aide à faire le tri entre idées reçues et faits établis, en s’appuyant sur la physiologie de la lactation, quelques études disponibles et les témoignages de mères.
Sommaire
Qu'est-ce que le réflexe d’éjection fort ?
Le réflexe d’éjection fort (REF) désigne une éjection rapide et parfois puissante du lait lors de la tétée. Certains bébés semblent avoir du mal à gérer ce débit : ils toussent, s’agitent, interrompent la tétée. On parle alors de REF pour expliquer leur inconfort.
Mais attention : ce terme est parfois utilisé à tort. Par exemple, une étude de Kent et al. (2003), le réflexe d’éjection survient environ 56 ± 4 secondes après le début de la succion. Or, de nombreuses mères attendent bien plus longtemps avant de proposer le sein, ce qui peut fausser la perception du "débit fort".

Le REF est alors associé à une hyperlactation — une production de lait considérée comme excessive. Pourtant, ce lien n’est pas toujours fondé. La sensation d’un lait qui "jaillit" peut avoir d’autres causes, notamment des pratiques d’allaitement inappropriées ou une posture inadéquate du bébé au sein.
Le réflexe d'éjection est déclenché par la libération d’ocytocine : cette hormone autrement appelée "hormone de l'amour et du lien", provoque la contraction des cellules myoépithéliales autour des alvéoles mammaires, entraînant l’éjection du lait.
La production de lait, elle, est régulée par plusieurs mécanismes :
La pression dans les seins : plus les alvéoles sont pleines, plus la production ralentit.
L’inhibiteur de rétroaction de la lactation (FIL, en anglais Feedback Inhibitor of Lactation) : une protéine qui signale au corps de produire moins de lait lorsque le sein est plein.
L’interaction des cellules productrices avec la membrane basale : lorsque les seins sont tendus, les lactocytes (cellules productrices) sécrètent moins de lait.
Autrement dit, une accumulation de lait augmente la pression dans le sein, ce qui peut accentuer le débit au moment de l’éjection — sans que cela soit forcément un REF pathologique.
L'hyperlactation
De nombreuses mères s’inquiètent donc de produire trop de lait, parfois après des engorgements fréquents ou des sensations de sein constamment tendu.

Mais l’hyperlactation vraie est rare. Il est essentiel de distinguer :
Une stase lactée (sein mal drainé) liée à des tétées peu fréquentes ou inefficaces ;
Une hyperproduction persistante, avec signes cliniques clairs : seins tendus même après les tétées, expression facile de grandes quantités de lait (plus de 200 ml plusieurs fois par jour), prise de poids très rapide du bébé.
Par ailleurs, tirer son lait dans les premiers jours "par précaution" peut parfois entretenir ou aggraver une surproduction, surtout si les seins ne sont pas correctement assouplis.
La physiologie du REF implique la libération d’ocytocine en réponse à la succion, entraînant la contraction des cellules myoépithéliales et l’éjection du lait. Cette réponse peut varier d’une mère à l’autre, influençant la perception de chacune.
Quelles causes possibles ?
Le REF n’est pas toujours lié à une surproduction. D'autres facteurs peuvent être en jeu :
Pratiques d’allaitement : alternance trop rapide de sein, tétées peu fréquentes, stimulation excessive (tire-lait, galactogogues).
Capacité de stockage individuelle : certaines femmes ont des seins qui se remplissent plus vite.
Facteurs hormonaux rares : comme l’hyperprolactinémie.
L’évaluation de la croissance du bébé (via les courbes de l’OMS) est un bon point de départ pour savoir si la production de lait est vraiment trop élevée — ou simplement mal régulée.

Dans le cas de figure de l'hyperlactation, le nourrisson présente une prise de poids très rapide, bien plus que prévu par les valeurs de référence des courbes de l’OMS (il prend généralement dans ce cas facilement 2 kg le premier mois au lieu de 1 à 1,5 kg).
Après les tétées et bien que le bébé boive beaucoup, les seins sont tendus, ou le
sont très rapidement après la tétée finie c’est-à-dire bien avant la tétée suivante.
L’expression du lait après une tétée, ou lorsque la tension se fait rapidement
sentir, permet de recueillir avec facilité 200 ml ou plus de lait, et ce plusieurs
fois par jour.
Si une hyperlactation est confirmée, les actions mises en place visent à l’amener
à diminuer tout en prenant en compte le fait qu’au cours du premier mois de vie,
des six premières semaines, la congestion mammaire naturelle en lien notamment avec l’intense vascularisation rend le sein très réactif à la moindre stase lactée, lui faisant alors courir le risque d’une complication.
Des conseils parfois mal adaptés
Pour "gérer" le REF ou une hyperlactation supposée, plusieurs stratégies sont souvent proposées. Certaines peuvent aider… mais d’autres sont à manier avec prudence.
Suggestions fréquentes :
Exprimer un peu de lait avant la tétée : peut soulager la pression initiale.
Changer de position : en s’allongeant ou en inclinant légèrement le buste vers l’arrière.
Proposer un seul sein plusieurs fois de suite (blocked feeding) : pour ralentir la production.
Utiliser des approches comme le Biological Nurturing® : pour permettre au bébé de mieux gérer le flux.
Surveiller les déglutitions : si le bébé avale bruyamment ou "gloutonnement", faire une pause peut aider.
Envisager une frénectomie en cas de frein de langue restrictif : à évaluer avec un professionnel compétent.
Toutes ces approches peuvent être utiles, mais doivent être adaptées à chaque dyade mère-bébé.

Il arrive même qu'on interprète mal le comportement du bébé et que l'on évoque des "pics de croissance"
Les causes sous-jacentes
Très souvent, on associe le REF à une surproduction de lait. Or, cette corrélation n’est pas systématique et même bien souvent erronée. La surproduction de lait est un phénomène bien moins fréquent qu'on ne le pense. Elle peut être due à
des pratiques d’allaitement inappropriées : surstimulation, changement fréquent de sein, utilisation de galactogogues.
des facteurs intrinsèques : capacité de stockage variable, rétrocontrôle négatif de la production de lait.
des causes hormonales rares : l'hyperprolactinémie (un taux anormalement élevé de prolactine dans le sang).
Une évaluation précise de la courbe de poids de l’enfant, en utilisant les courbes de l’OMS, est cruciale pour déterminer si la production de lait est réellement excessive. Par exemple, une prise de poids de 54 g/jour peut être conforme aux recommandations, mais une analyse approfondie est nécessaire.
![elle s'énerve systématiquement [...] et je ne sais pas à quoi c'est dû](https://static.wixstatic.com/media/ed253e_b5ede3c0a3084bd38ca63d561b43bf11~mv2.jpg/v1/fill/w_720,h_492,al_c,q_80,enc_avif,quality_auto/ed253e_b5ede3c0a3084bd38ca63d561b43bf11~mv2.jpg)

Des stratégies et recommandations à prendre avec des pincettes
Pour gérer efficacement le REF, plusieurs stratégies sont souvent proposées :
Exprimer du lait à la main dans un linge avant la tétée de sorte à réduire le jet initial.
Changer de position et s'installer de sorte à se retrouver en position allongée ou semi-allongée pour contrôler le flux.
Faire des block feed : proposer un seul sein pendant plusieurs tétées pour réguler la production qualifiée de trop importante
S'installer sur un canapé ou avec des coussins, en se penchant en arrière. Votre bébé est allongé sur vous, ventre contre ventre. Cette position permet à votre bébé d'ajuster sa tête et de prendre le sein tout seul, ou vous pouvez le guider doucement.
Envisager le recours à une frénectomie car le frein de langue serait considéré comme le noeud du problème : il empêcherait une pleine mobilité linguale et perturberait la bonne succion du bébé (!)
Ces approches visent à améliorer le confort du nourrisson et à prévenir les complications.
Perceptions et réalités

"Bébé s'arc-boute dès que je présente le sein et crie. Mon coeur se brise"
Ces récits sont légitimes et souvent très éprouvants. Mais ils peuvent aussi refléter une succion inefficace, une mauvaise position ou simplement une phase normale d’apprentissage.
L’important est de ne pas conclure trop vite à un "problème" de la mère ou du lait. Une évaluation clinique complète permet d’écarter d’autres causes et de trouver des solutions concrètes.
En voici quelques-unes :
Proposez le sein avant que le bébé ne pleure franchement. Essayez d’identifier les signes précoces de faim (mouvements de succion, recherche du sein, agitation) et présentez-lui le sein avant d’entendre de véritables pleurs. Un bébé très énervé tète souvent moins efficacement.
Quand vous vous installez, placez-le vraiment dans le sein. Veillez à ce que son corps soit bien aligné et rapproché, et que son menton soit profondément enfoui dans le sein. Cette position favorise une bonne prise en bouche et un transfert de lait optimal.
S’il s’agite en cours de tétée, n’hésitez pas à faire une pause. Glissez doucement un doigt dans le coin de sa bouche pour briser la succion, redressez-le un instant et voyez s’il a besoin de faire un rot. Cela peut lui permettre de reprendre plus calmement ensuite.
Profitez-en pour proposer l’autre sein. Une fois le premier sein tété et après un petit rot éventuel, proposez-lui l’autre sein. En lui offrant les deux seins à chaque tétée, la pression peut être mieux répartie dans vos seins et les tétées peuvent devenir plus confortables pour vous comme pour lui.
Installez-vous confortablement, lovée dans un bon fauteuil ou canapé. Prenez le temps de vous caler avec des coussins si besoin et assurez-vous que sa tête est légèrement au-dessus du sein. Cela facilite la déglutition et améliore son confort pendant la tétée.
Une approche nuancée et individualisée
Au cours des premières semaines, il est courant que les bébés toussent ou régurgitent parfois. Apprendre à bien téter, c’est un processus ! Certains bébés mettent du temps à coordonner succion, déglutition et respiration.
Le REF est une réponse physiologique normale, mais sa perception varie beaucoup d’une mère à l’autre. Ce n’est ni une faute du corps, ni un échec d’allaitement.
Ce qu’il faut, c’est :
Accompagner chaque situation de manière individualisée
Se baser sur des données cliniques et physiologiques fiables
Soutenir les mères sans leur faire porter à tort la responsabilité d’un "trop plein"
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Je vous recommande quelques lectures 😉 :
Mon allaitement sur mesure (Éd. Albin Michel, 2020)
Choisir d’allaiter (Éd. First, 2022)
L'allaitement pour les nuls (Ed. First, 2024)
Ressources
Kent JC, Ramsay DT, Doherty D, Larsson M, Hartmann PE. Response of breasts to different stimulation patterns of an electric breast pump. J Hum Lact. 2003;19(2):179–86.
Caroline, G.A. & van Veldhuizen-Staas, C. G. Overabundant milk supply: An alternative way to intervene by full drainage and block feeding.International Breastfeeding Journal 2007; 2:11.
Parents.com – What to Know About Breastfeeding and the Letdown Reflex
News-Medical.net – Overactive Let-Down Reflex
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