Pourquoi suivre le poids de son bébé sur les courbes de l’OMS ?
- caroleherve
- 15 sept.
- 7 min de lecture

La courbe de poids est bien plus qu’un simple graphique dans le carnet de santé de votre bébé, c'est un outil d'évaluation fiable pour qui accompagne votre allaitement. On peut même extrapoler votre quotidien en la lisant attentivement. Lorsqu'elle est issue des normes de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), elle devient un outil précieux pour évaluer la santé et le développement global des tout-petits. Dans cet article, je vous détaille pourquoi il est essentiel de reporter régulièrement le poids de votre enfant sur ces courbes et comment bien les interpréter.
Sommaire
Les courbes de croissance de l’OMS : qu’est-ce que c’est et pourquoi les utiliser ?
Entre 1997 et 2003, l’OMS a mené une vaste étude multicentrique dans 6 pays (Brésil, États-Unis, Ghana, Inde, Norvège, Oman) auprès de 8840 enfants en bonne santé, élevés dans des environnements peu exposés aux facteurs susceptibles d’entraver leur croissance (comme la mauvaise alimentation ou les infections).
Cette étude a donné naissance aux normes de croissance OMS 2006, qui reflètent comment les enfants devraient grandir lorsqu’ils sont allaités, bien nourris, non exposés au tabac, et bénéficient de soins médicaux adéquats, contrairement aux courbes “d’observation” utilisées dans certains pays (comme en France).
Les courbes de croissance des Normes OMS 2006 :
se fondent sur une population d’enfants allaités, par des mères correctement alimentées, en bonne santé et sans consommation de substances toxiques,
sont universelles car les données proviennent des six pays précédemment cités pour lesquels on a constaté des différences minimes et non significatives,
fournissent des courbes détaillées pour les enfants :
de la naissance à 6 mois,
de la naissance à 2 ans,
de la naissance à 5 ans,
de 6 mois à 2 ans,
de 2 ans à 5 ans.

Ce que signifient les percentiles sur une courbe de poids
Quand j'analyse une courbe de poids, je me fie au percentile de naissance et je considère la courbe dans son ensemble en m'assurant que le poids rejoint ce repère et ne s'en éloigne pas trop. L'objectif d'une courbe de croissance est de représenter la croissance d'un bébé sur une série de percentiles, le bébé moyen se situant au 50e percentile. Le 50e percentile signifie que votre enfant a un poids supérieur à celui de 50 % des enfants et inférieur à celui des 49 % restants.
On utilise donc ces courbes de percentiles pour déterminer le rang de l’enfant par rapport aux autres enfants d’âge et de sexe similaires. Par exemple, si le poids d’un enfant se situe dans le 85e percentile, 85 enfants sur 100 (85 %) sont moins lourds que lui, tandis que 15 sur 100 (15 %) le sont davantage.
Aucun percentile n’est “meilleur” qu’un autre Les courbes de croissance expriment le rang de votre bébé par rapport aux autres enfants du même âge et du même sexe. On ne cherche donc pas à ce qu'il rejoigne le percentile moyen car il n'est peut-être pas né avec un poids moyen.
Un bébé au 5e ou 95e percentile peut être en aussi en bonne santé qu’un autre au 50e, à condition qu’il suive sa courbe de manière régulière. Par définition, il y aura des enfants en bonne santé à chaque percentile. Certains seront potelés et d'autres menus.
Chez un enfant né à terme et en bonne santé au 50ème percentile, on s’attend à une prise de poids le premier mois de :
1023 g si le bébé est un garçon (le 50ème percentile correspond à un poids de 3,350 kg)
879 gr si le bébé est une fille (le 50ème percentile correspond à un poids de 3,230 kg)
Exemple : Un bébé né à 2,7 kg au 10e percentile, qui suit une courbe parallèle à celle-ci, grandit parfaitement bien. En revanche, un bébé qui chute du 50e au 10e percentile nécessite une évaluation approfondie.
Pourquoi suivre l’évolution dans le temps est fondamental ?
Les mesures de croissance ont peu de signification tant qu’elles ne sont pas consignées correctement sur la courbe de croissance.
La croissance se juge dans la durée, jamais sur un point isolé. Ce n’est pas la position sur la courbe qui compte le plus, mais la stabilité et la cohérence du suivi pondéral. Une croissance harmonieuse est un excellent indicateur de la santé globale de l’enfant, incluant son alimentation, son développement neurologique et son état général.
Ainsi, si un bébé quitte sa courbe initiale (par exemple, du 50e au 15e percentile, il a alors traversé 2 couloirs), cela peut être la conséquence d'une conduite d’allaitement inadaptée à la situation rencontrée, d'une pathologie sous-jacente ou d'une carence nutritionnelle. Dans l'idéal, je souhaiterais qu'on n'attende jamais qu'un enfant décroche de son rang de percentile à ce point car cela se traduit invariablement par une qualité de vie altérée : des nuits hachées pour ne citer qu'un exemple.
L'importance des courbes OMS pour les bébés allaités
Les courbes OMS sont particulièrement adaptées aux bébés allaités car elles en font le modèle normatif. Or, de nombreux professionnels (et parents) s’inquiètent à tort d’une baisse de percentile au cours du 2e semestre de vie.
À savoir : Les bébés allaités ont tendance à grandir et grossir plus rapidement que les enfants nourris au lait artificiel les 6 premiers mois, puis leur croissance ralentit naturellement les 6 mois suivants. Vers l'âge d'un an, ils pèsent en moyenne 600g de moins que ceux nourris au lait artificiel. Il ne s'agit alors pas d'une “cassure” de courbe mais d'un ralentissement physiologique.
Quelle différence entre les courbes OMS et les courbes françaises ?
[extrait de L'allaitement pour les nuls, éditions First ; Carole Hervé, Dr Muriel Mermilliod, Dr Evelyne Mazurier]
Les premiers mois de vie, les enfants allaités vont avoir une croissance plus rapide, puis plus lente, ce qui va induire des erreurs d’interprétation.
Les premiers mois, la prise de poids optimale de l’enfant allaité selon les courbes de l’OMS sera considérée comme excessive d’après les courbes françaises et s’en suivra le « conseil » de réduire la fréquence des tétées, par exemple ou d’arrêter de nourrir la nuit. Ce qui va à l’encontre, vous l’avez bien compris, de toute la physiologie et des besoins de l’enfant.
Ou alors le professionnel suivra un bébé allaité (qui selon les courbes de l’OMS ne prendrait pas assez de poids) et validera sans souci son évolution au vu des courbes françaises, laissant se faire ainsi un mauvais calibrage de la lactation et de la glande au cours du premier mois, ce qui sera préjudiciable très vite à la poursuite de l’allaitement.
Lire aussi : Doctissimo, Tout savoir sur les pics de croissance
Encore faut-il savoir les lire
![[...] il y a une stagnation de poids entre le 3 et le 4 mois chez les bébés allaités (!)](https://static.wixstatic.com/media/ed253e_83e4918b75ec4e6cb480af2e09e3bf3d~mv2.png/v1/fill/w_980,h_277,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_avif,quality_auto/ed253e_83e4918b75ec4e6cb480af2e09e3bf3d~mv2.png)
La méconnaissance de la physiologie peut mener à certaines interprétations erronées pour la plupart. Les courbes de l'OMS ont établi des norme dont une caractéristique importante est qu’elles font de l’allaitement au sein la norme biologique, l’enfant nourri au sein devenant ainsi le modèle normatif de croissance. Le référentiel précédent se fondait sur la croissance d’enfants nourris artificiellement.

Certes, on observe un ralentissement dans la prise de poids mensuelle des nourrissons à partir de 3-4 mois, et c’est pour cela que la courbe de l’OMS affiche une courbure douce. Mais considérer qu'un fléchissement de la courbe est normal et attendu chez un nourrisson allaité est complètement faux.
La traduction habituelle d'un ralentissement de courbe, c'est un bébé agité au sein, qui tète quelques instants, s'en détache, ne veut plus le reprendre, qui dort peu et a besoin de moult bercements pour s'abandonner dans le sommeil, sans compter des épisodes de seins ou mamelons douloureux. On parle alors de mauvaises habitudes données et pire, on suggère aux mamans de dissocier l'endormissement du sein alors que c'est souvent en s'endormant que les nourrissons prélèvent le plus de lait.
Et pour les bébés prématurés ou de petit poids de naissance ?
Les courbes OMS sont aussi valables pour les prématurés, à condition d’utiliser l’âge corrigé (âge postnatal – semaines manquantes par rapport à 40 SA). Jusqu’à 2-3 ans, cette correction permet une évaluation juste de leur croissance.
Exemple : Un bébé né à 32 SA, évalué à 12 semaines de vie, a un âge corrigé de 4 semaines. On comparera donc son poids à celui d’un nourrisson né à terme et âgé de 4 semaines.
Le rattrapage staturo-pondéral se fait progressivement, et un bébé né avec un petit poids peut parfaitement grandir correctement, même s’il reste dans les percentiles inférieurs.
Les prématurés tardifs ont un désavantage en termes de capacités alimentaires :
leur réserve énergétique (graisse sous-cutanée et graisse brune) est généralement faible alors qu’ils ont des besoins énergétiques élevés, et des capacités d’alimentation restreintes ;
sont souvent somnolents ;
avec des périodes d’activité plus courtes ;
certains ont des mouvements bucco-moteurs désynchronisés.
Ainsi ils cessent la tétée avant d’avoir absorbé assez de lait pour couvrir leurs
besoins énergétiques.
Comment interpréter les données : conseils aux parents et professionnels
Ce qu’il faut retenir :
Le 50e percentile est une moyenne : n’est pas un objectif à atteindre.
Une croissance régulière est un critère de bonne santé.
Des changements soudains vers le haut ou le bas sur la courbe doivent faire l’objet d’un bilan.
Pour les bébés allaités, se baser uniquement sur le poids sans tenir compte de la taille, de la circonférence crânienne et du développement global est une erreur fréquente.
Le dialogue entre parents et professionnels est essentiel pour éviter les interprétations anxiogènes ou les décisions inappropriées.
Tenir compte de l'âge gestationnel aussi et utiliser une courbe de poids adaptée
Références
Wright CM et al. Health professionals’ and mothers’ interpretation of growth charts. Arch Dis Child. 2011;96(5):465–469.
Fenton TR et al. Preterm growth charts and standards: do they work for everyone? J Pediatr. 2013;162(3):494–496.
Je vous recommande quelques lectures 😉 :
Mon allaitement sur mesure (Éd. Albin Michel, 2020)
Choisir d’allaiter (Éd. First, 2022)
L'allaitement pour les nuls (Ed. First, 2024)










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