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Diversification alimentaire : ce qu’on sait vraiment (et ce qu’on vous vend)


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La diversification alimentaire, ce n’est pas juste une question de purée ou de morceaux. C'est un moment de transition normal dans la vie du nourrisson, lequel est hélas devenu un terrain glissant pour les jeunes parents perdus entre les recommandations, les discours contradictoires, et l'influence des industriels… Bref, tout est fait pour s'y perdre. Pourtant, au cœur de cette question, il y a un bébé, un parent, un lien, une dynamique à respecter.


Sommaire


Pourquoi la diversification alimentaire fait-elle débat ?


C’est un sujet sensible, souvent confus, où se croisent recommandations officielles, marketing alimentaire, peur de carences… et instinct parental.

On entend tout et son contraire :

  • "Il faut commencer à 4 mois."

  • "L’allaitement exclusif après 6 mois est dangereux."

  • "La DME est la meilleure méthode."

"le lait maternel n'est plus assez bon"
"le lait maternel n'est plus assez bon"

Et si, au lieu d'argumenter avec le pédiatre, on commençait par comprendre le pourquoi des recommandations, leurs limites et leur contexte afin de trier le vrai du faux.


Les recommandations officielles

Les recommandations officielles ont pour objectif d'aider les personnes à faire les meilleurs choix alimentaires et à adopter un mode de vie plus actif. Pourquoi ne pas privilégier l’observation attentive de nos bébés plutôt que d'appliquer strictement des recommandations officielles… d’autant plus qu’elles évoluent régulièrement, au gré des balanciers scientifiques.

Le Programme National Nutrition et Santé

En France, le PNNS recommande :
  • Une diversification ne doit pas commencer avant l'âge de 4 mois révolus.

  • Tous les groupes d’aliments peuvent être introduits dans cette fenêtre, y compris les allergènes.

👉 Il n’est écrit nulle part que commencer à 4 mois pile est une obligation.

Et justement, les mots ont leur importance. Dans l’article de 2020 intitulé « Les nouvelles recommandations du PNNS sur la diversification alimentaire » (accessible ici : AFPA – Perpéd 2022), il est écrit que le maintien d’un allaitement exclusif après 6 mois « fait courir un risque » – une formulation qui est semble-t-il bien différente de celle, souvent entendue, selon laquelle « il serait dangereux » de poursuivre l’allaitement exclusif au-delà de cet âge en raison d’un risque de carence en fer.

Cela dit, la question du fer fait aujourd’hui consensus dans le monde médical : le principal argument en faveur de la diversification reste le risque de carence martiale, en lien avec l’épuisement progressif des réserves de l’enfant. C’est donc vers des aliments riches en fer que devrait s’orienter la diversification, bien plus que vers les seuls légumes ou fruits, qui apportent essentiellement fibres, vitamines et sels minéraux.


L’Organisation Mondiale de la Santé

L’OMS recommande :
  • Allaitement exclusif jusqu’à 6 mois, pour les bébés allaités.

  • Diversification ensuite, en poursuivant l’allaitement, qui reste une source majeure de nutrition.


Le rôle central du fer


Dans la tranche d’âge des 6 mois à 5 ans, la croissance rapide, en particulier jusqu’à 3 ans, nécessite des quantités de fer importantes.


On ne retrouve pas de lien entre une carence martiale en fer maternelle pendant la grossesse et une anémie par carence martiale en fer chez le bébé plus tard dans la vie.


L’anémie maternelle durant la grossesse par contre peut entrainer :

  • Un faible poids de naissance

  • Un risque de prématurité

 

Une carence martiale, ou anémie par carence en fer (également appelée anémie ferriprive), est une forme d’anémie causée par un manque de fer, un élément indispensable à la fabrication de l’hémoglobine. L’hémoglobine est une protéine présente dans les globules rouges qui permet le transport de l’oxygène dans le sang.

Chez le nourrisson, cette anémie survient lorsque l’apport en fer est insuffisant pour couvrir les besoins de l’organisme, en particulier durant la période de croissance rapide. Elle peut être due à une réserve de fer faible à la naissance, à une alimentation pauvre en fer (laits non enrichis, diversification alimentaire tardive ou inadaptée), ou à des pertes chroniques de sang (plus rares).


L’anémie se définit par un taux d’hémoglobine inférieur à 11 g/dL chez l’enfant de 6 mois à 2 ans. Elle peut entraîner une fatigue, une pâleur, une irritabilité, et dans les cas prolongés, un retard du développement psychomoteur.


Le point de convergence mondial, est donc le fer. Le stock de fer à la naissance dépend du terme de naissance : un bébé né avant terme n’a pas eu le temps de faire ses réserves. Après 6 mois, les réserves du nourrisson (issues de la grossesse) diminuent.


Cela peut exposer l’enfant à un risque de carence, surtout en cas de :

  • Prématurité,

  • Retard de croissance intra-utérin (RCIU),

  • Naissance multiple,

  • Clampage précoce du cordon, une pratique en nette régression. Le clampage tardif permet en effet un transfert sanguin plus important de la mère vers l’enfant, augmentant les réserves en fer. Le clampage précoce ne se justifie que si le nouveau-né nécessite des soins de réanimation immédiats.

Pour ces bébés, un apport médicamenteux en fer peut-être nécessaire avant 6 mois.

Mais donner du fer systématiquement n’est pas anodin : il modifie le microbiote intestinal et peut entraîner des troubles digestifs. Aussi, cela ne veut pas dire que tous les enfants doivent recevoir du fer à 4 mois. Le risque de carence en fer existe, mais ce n’est pas une urgence universelle. Et donner du fer trop tôt peut perturber le microbiote intestinal (cf. Baker et Greer, 2010).

À méditer : Si le lait maternel ne couvre plus tous les besoins après 6 mois, cela signifie-t-il qu’il est "insuffisant" ? Ou que l’alimentation devient simplement complémentaire ?


Un témoignage de terrain

"J’ai commencé la diversification de mon bébé à 5 mois. Marcel était curieux, tenait bien assis, mais ne voulait rien mettre en bouche. J’ai paniqué. J’ai entendu ‘il risque des carences !’. J’ai culpabilisé, puis j’ai regardé les vrais signaux : Marcel grossissait bien, je continuais de l'allaiter à la demande, et j'ai même fait une prise de sang qui est revenue normale. J’ai introduit les aliments à son rythme, et il a trouvé son appétit à 9 mois. Aujourd’hui, à 18 mois, il mange comme nous."— Léa, maman et infirmière puéricultrice

DME, purées, morceaux : ce qu’on en sait


La Diversification Menée par l’Enfant (DME) a gagné en popularité ces dernières années. Les principes de la DME sont :

  • Le respect du rythme

  • L'autonomie de l'enfant

  • Le partage du repas familial


🔍 Ce que disent les recommandations actuelles :

  • Des morceaux dès 6 mois, si le bébé tient assis de façon stable, sans attendre qu’il ait des dents (PNNS).

  • Ne pas retarder les morceaux au-delà de 10 mois.

  • Respecter les signaux de faim et de satiété (quelle que soit la méthode).

  • Il n'existe aucune preuve que la DME soit "supérieure" à la diversification classique (Société Française de Pédiatrie).


Témoignage : "J’ai commencé par des purées vers 5 mois, mais à 6 mois, ma fille attrapait les morceaux dans mon assiette. On a suivi son rythme. Certains jours elle ne voulait rien, d’autres elle mangeait comme une ogresse !"


Je me suis régalée avec vos vidéos sur la diversification
Je me suis régalée avec vos vidéos sur la diversification

Il n’y a aucune preuve scientifique que la DME soit supérieure à une diversification plus classique (source : Société Française de Pédiatrie).

Ce qui compte :

  • Adapter les textures à la motricité de bébé

  • Respecter les signaux de faim et de satiété

  • Proposer un cadre sans pression ni distraction


Les dernières études vont dans le sens d’introduire les morceaux au plus tard à partir de 9 mois.

Rappel : un bébé peut refuser de manger non pas par manque d’appétit… mais par fatigue, surcharge sensorielle, ou difficulté motrice.


La diversification : une manne pour l'industrie alimentaire


Pourquoi le message "diversifier dès 4 mois" est si répandu ? Parce que ça profite aux industriels pardi !

La publicité pour l’alimentation infantile avant 6 mois a beau être interdite par le Code de commercialisation des substituts du lait maternel… cette interdiction n'est pas appliquée, l'OMS n'étant pas un gendarme.

Le code de l’OMS est censé encadrer la publicité et la distribution des produits destinés aux nourrissons (laits, petits pots, etc.), en interdisant toute promotion directe au public pour les produits destinés aux enfants de moins de 6 mois. En France, son application reste partielle. Résultat : les rayons sont pleins de petits pots "dès 4 mois", créant une norme sociale et commerciale qui va à l'encontre des études scientifiques.


Ce qu’il faut retenir


Observer son bébé : tient-il bien assis ? montre-t-il de l’intérêt ? a-t-il perdu le réflexe de protrusion de langue ?

Commencer entre 5 et 6 mois, si tout va bien. Pas avant 4 mois révolus, et pas forcément dès 4 mois.

Favoriser les aliments riches en fer au début : viande, œufs, légumineuses (écrasées), plutôt que fruits/légumes uniquement.

Respecter l’autonomie, les signaux de faim, sans forcer ni distraire.

Rester critique face aux étiquettes "dès 4 mois" : elles répondent à un impératif marketing, pas médical.


Concrètement, que faire ?

Le nourrisson est multiple. Il peut très bien résister au comportement que l’on cherche à obtenir de lui. sans que cela ne souligne un problème quelconque. Ainsi, le rythme ou les dates d'introduction conseillés pour les aliments solides peuvent ne pas lui correspondre. Les tableaux de diversification éludent une évidence : l’introduction des aliments solides ne devrait pas se faire en fonction de l’âge mais en fonction du degré de développement de l’enfant, sa curiosité, son maintien, sa faculté à gérer la cuillère et les morceaux.




Références

  1. Réseau National Alimentation Nutrition Santé (RNNS). Le guide de la diversification alimentaire. Santé publique France, 2021.Disponible sur : https://www.reseau-national-nutrition-sante.fr/fr/le-guide-de-la-diversification-alimentaire_-r.html

  2. Organisation mondiale de la Santé (OMS). Alimentation du nourrisson et du jeune enfant. Fiche d'information.Disponible sur : https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/infant-and-young-child-feeding

  3. Baker RD, Greer FR. Diagnosis and prevention of iron deficiency and iron-deficiency anemia in infants and young children (0–3 years of age). Pediatrics. 2010;126(5):1040–1050.DOI: 10.1542/peds.2010-2576Disponible sur : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28027215/

  4. Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP). Revue des repères alimentaires pour les enfants de 0 à 36 mois. Rapport, juin 2020.Disponible sur : https://www.hcsp.fr/Explore.cgi/Telecharger?NomFichier=hcspa20200630_rvisidesreprealimepourlesenfan.pdf

  5. Nicolas G. Âge de la diversification alimentaire et facteurs associés dans l’étude ELFE : entre recommandations et pratiques. Mémoire de Master, Université de Montpellier, 2019.Disponible sur : https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02502795/file/NICOLAS%20Gabriel.pdf

  6. Organisation mondiale de la Santé (OMS). Code international de commercialisation des substituts du lait maternel. WHO/MCH/NUT/90.1.Disponible sur : https://www.who.int/publications-detail-redirect/WHO-MCH-NUT-90.1

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